Ces statues qui parlent de la supériorité des chrétiens sur les Juifs

Le week-end dernier, nous sommes allés, ma femme, mon fils et moi, à Strasbourg. Nous avons été plaisamment surpris par cette ville charmante, qui a gardé son patrimoine historique ses maisons à colombages, tellement typiques de l’Alsace, ses petites rues étroites (heureusement piétonnières !), sa rivière l’ILL (L’Ill a donné son nom à l’Alsace: Elsass en langues germaniques signifie Pays de l’ILL)… sans oublier sa cathédrale (qui va bientôt célébrer ses 1000 ans d’existence, en 2015). Construite en grès rose, cette pierre typique de la région, qu’on a utilisée pour édifier un grand nombre de bâtiments.

Il est important de noter sur la façade sud de la cathédrale 2 statues qui démontrent bien l’attitude de l’Eglise envers la Synagogue à travers les siècles : «Un atelier extraordinairement novateur conçoit, entre 1225 et 1235, les parties supérieures du croisillon sud et le Pilier des Anges, puis les tympans des deux portails sud et le couple de l’Eglise et de la Synagogue placé de part et d’autre de ces portails. Ces deux figures de femmes, allégories des religions chrétienne et judaïque, comptent parmi les plus célèbres chefs-d’œuvre de l’art occidental du Moyen Age. La Synagogue vaincue et l’Eglise triomphante appartiennent à une symbolique traditionnelle dont les représentations se multiplient à partir du milieu du XIIIe siècle.

A gauche, l’Eglise victorieuse et couronnée, tenant dans ses mains le calice et la bannière que surmonte la croix, regarde avec mépris la Synagogue. Celle-ci, qui tient une lance brisée, détourne sa tête aux yeux bandés, expression de son refus de reconnaître dans le Christ le Messie attendu. Elle paraît laisser tomber les tables de la Loi, symbole de l’Ancien Testament dépassé… Ces figures élancées sont empreintes d’une très grande humanité… Ces statues ont été déposées au musée (Notre-Dame) au début du siècle pour les protéger de la pollution et des intempéries, et ont été remplacées sur l’édifice par des copies. »

Ces statues symbolisent malheureusement la Théologie qui prévaut jusqu’aujourd’hui dans la plupart de nos églises : «L’Eglise remplace ou se substitue à Israël». Cette attitude de «supériorité» est tout à fait le contraire de celle que nous devrions adopter, selon ce que Paul nous dit dans Romains 11 «ne te glorifie pas aux dépens de ces branches (les juifs qui ont été retranchés de l’arbre). Si tu te glorifies, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte». Et plus loin «En ce qui concerne l’Évangile, ils sont ennemis à cause de VOUS (non juifs); mais en ce qui concerne l’élection, ils sont aimés à cause de leurs pères».

Malheureusement, cette attitude de «supériorité» envers les Juifs est encore bien présente dans le cœur de beaucoup de ceux qui se disent chrétiens… Ces deux statues illustrent donc bien, les relations tendues entre nos deux communautés…

Le 14 février 1349, le premier pogrome européen va avoir lieu à Strasbourg : Les juifs sont accusés d’avoir empoisonné les puits, répandant ainsi la peste noire. Plus de 2000 Juifs strasbourgeois sont brûlés dans leur cimetière qui se trouvait sur l’actuelle Place de la République, située au bout de la «Rue des Juifs» (ainsi nommée car c’était un des rares endroits où ils avaient droit de cité) et sur laquelle on trouve (au numéro 19) un mikvéh (bain rituel juif) qui date de 1260.

Nous avons été tout étonnés de découvrir au superbe «Musée Alsacien», une section consacrée à la communauté juive d’Alsace, illustrée par des objets traditionnels et rituels des XVIIIème et XIXème siècles. Il faut savoir que la communauté juive de Strasbourg est encore l’une des plus importantes en Europe (16,000 personnes).

Comme le dit si bien le site d’ARTE (dont le siège se trouve à Strasbourg) : «La vie de la communauté juive de Strasbourg est indissociable de celle du judaïsme européen et plus particulièrement de celle du judaïsme alsacien» (Cliquez-ici pour en savoir plus).

Nous avons pu rencontrer Paul Mehl, chrétien strasbourgeois qui revenait d’un de ses voyages en Israël et qui a œuvré pour que «L’Allée des Justes» de Strasbourg devienne une réalité. Voici un extrait de sa description de la cérémonie d’inauguration :

«Et voilà que ce jour du 22 juillet 2012 tant attendu arrive, un jour sobre et digne, où le silence devient profond et où seul le vent fait claquer les drapeaux, entre la dizaine d’allocutions successives.

La Cérémonie a débuté par la lecture du Psaume 130, les deux derniers versets furent particulièrement touchants ‘’O Israël, place ta foi en l’Eternel, car c’est auprès de lui que l’on trouve l’amour : on trouve auprès de lui une parfaite délivrance, et c’est lui qui délivrera Israël de toutes ses épreuves’’ texte lu par le Grand Rabbin de Strasbourg René Gutman, suivi d’un émouvant discours de Pierre Lévy, en présence du Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Mr Lévy nous rappela que 3614 Justes, dont 36 alsaciens ont contribué au sauvetage des 2/3 des Juifs en France. Il se posa la question : «Mais sommes-nous à l’abri d’un nouveau drame ?»

Le ministre de l’Intérieur a mis l’accent sur le sens de cette Allée « Les Justes ont assuré la lourde tâche du salut de notre pays et de notre humanité tout entière. Mais qu’est-ce être un Juste ? C’est agir comme ces hommes et ces femmes, qui ont écouté leurs consciences, mettant leurs gestes quotidiens en accord avec une exigence morale. Les Justes ont eu le courage, au mépris du danger de se poser en rempart contre l’arbitraire, l’abusif et l’abject de 1940 à 1944. Ces non-juifs ont fait preuve d’une grande solidarité à toutes épreuves, leurs noms sont gravés à tout jamais au Yad Vashem à Jérusalem. Cet endroit inscrira ainsi au cœur de la ville et au cœur de la vie, un message de respect, de tolérance, mais aussi de vigilance ». Le ministre évoqua la tuerie dans l’école juive de Toulouse en mars dernier. Il a promis, que l’antisémitisme sera combattu avec la plus grande fermeté par une mobilisation totale des Pouvoirs publics. (..)

Jean-Raphaël Hirsch, Président du Comité Français Yad Vashem, trouva cette coïncidence extraordinaire, l’inauguration de cette Allée avec le 70ème anniversaire de la Rafle du Vél d’Hiv en juillet 1942. Le Talmud dit : Qui sauve une vie, sauve l’univers tout entier ! Sa réflexion : Auschwitz nous pose 2 problèmes : Dieu existe-t-il ? Et, y a-t-il un progrès humain ? Au moins les Justes parmi les Nations nous ont montré le chemin, et nous ont légués l’espérance ! Le lieu du souvenir se trouve à l’emplacement de l’ancienne Synagogue (construite en grès rose, dotée d’un dôme octogonal de 54 m de haut et datée de 1896 avec ses 1629 places, elle fut incendiée par les nazis en 1940, puis rasée l’année suivante). Ce lieu laisse voir un mur avec des photos, une inscription de la Bible, Esaïe 56/5 ‘’Je leur donnerai dans ma Maison et dans mes murs, un monument et un nom’’. Deux stèles distantes de trois mètres, constituent la Porte des Justes. Cette porte marque telle une sentinelle, l’ancien seuil de la Synagogue, là est la place du Juste entre la foule et la Communauté, il incarne le lien maintenu, il est le ‘’passeur”.”

A Strasbourg, on a vraiment l’impression de se trouver «au carrefour de l’Europe», non seulement à cause de sa situation géographique, à quelques centaines de kilomètres du Luxembourg, de la Belgique, de la Suisse et en plein sur la frontière avec l’Allemagne. Mais aussi et peut-être surtout, à cause de sa double identité Franco-Allemande. Car cette région a été ballotée des 2 côtés au cours des siècles. Ce double héritage est encore fort présent aujourd’hui. En effet, on entend encore de nombreuses personnes qui parlent un français tinté par l’accent allemand.

Strasbourg est une ville qui nous permet de jeter un regard sur le passé, mais aussi sur le présent, avec son Parlement Européen (dont l’architecture rappelle étrangement la «Tour de Babel» du tableau de Breughel…), le Conseil de l’Europe avec ce symbole emblématique de la mythologie grecque du taureau (Jupiter) chevauché par une femme nue… représentant l’Europe…

On sent d’ailleurs la rivalité avec Bruxelles, qui se dit «capitale de l’Europe»… Et puis, on tourne aussi un regard vers l’avenir avec les nombreux étudiants (+ de 45,000) peuplant cette ville. Nous avons pu passer une agréable soirée avec deux de ces étudiants, Sylvain et Déborah Barthe, qui sont des chrétiens nés de nouveau, jeunes mariés et qui viennent d’emménager à Strasbourg. Que Dieu fasse d’eux les témoins de son amour et des artisans de paix entre la communauté juive et chrétienne de Strasbourg.

Luc Henrist