L’égoïsme, le véritable fléau de notre société
À la mi-septembre, j’ai eu la joie de retourner en Suisse pour animer un séminaire pendant un week-end à Monthey. Sur le chemin qui me menait de l’aéroport de Genève jusque Monthey, la personne qui me conduisait m’a fait part des raisons qui l’avaient fait sombrer dans la drogue et la dépendance le manque d’attention et d’amour de la part de son père. Je lui ai dit que moi aussi, j’ai eu un père qui était souvent «absent», pas physiquement, mais dont le manque d’amour et d’intérêt pour ses enfants avait le même effet (peut-être même pire) que s’il n’avait pas été présent physiquement.
Quelques jours auparavant, j’avais relu ce passage biblique tellement d’actualité de II Tim. 3, qui caractérise bien notre société : «Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l’argent…». Ce qui m’a frappé, c’est que dans cette longue liste de 19 mots qui définissent les hommes des «derniers temps», c’est l’égoïsme qui est mentionné en premier lieu. Étonnant, car à l’époque où Paul écrit ces paroles, il n’existait pas de «société de consommation» ni «d’enfant roi hier, devenu l’adulte tyran aujourd’hui»… Je me suis rendu compte que malheureusement ce syndrome de «Père manquant, fils manqué» (titre du livre de Guy Corneau, publié en 2000) est, malheureusement, de plus en plus d’actualité…
En voici une brève introduction : «A l’origine de ces hommes manqués sur le plan de leur statut d’homme, il y a souvent un père manquant. L’absence affective, psychologique ou physique du père, inclut également le comportement paternel déficient quand il est présent (père autoritaire, envieux de la jeunesse et des talents de son fils, père alcoolique, caractériel…) Ce qui provoque une carence d’identité masculine chez le fils…». Après avoir réfléchi à notre conversation, je me suis rendu compte qu’en réalité, l’origine de ce «manque de père» est souvent dû à l’égoïsme ambiant (même dans nos milieux «chrétiens») qui fait que ce qui m’intéresse avant tout, c’est ma petite personne.
Je veux bien aller à l’église le dimanche (exclusivement), mais dans le but avoué, non pas de venir servir Dieu ou mon prochain, mais pour que Dieu réponde à tous mes besoins, qu’ils soient physiques, spirituels, financiers, ou autres… Dans le cadre familial, cet égoïsme paternel se traduit le plus souvent par un désintérêt envers ses enfants, car (et vous devez comprendre…) je suis épuisé, et moi-même, j’aurais besoin qu’on s’occupe de moi. J’ai besoin de me reposer, de me divertir, de prendre soin de moi…
On est loin de l’amour qui se sacrifie en pensant tout d’abord au bien-être de ses enfants, de son épouse, qui elle aussi, est épuisée de toutes les tâches ménagères et autres corvées… Sans parler du besoin des enfants qui eux, ont soif de passer du temps avec papa. Ils ont besoin de pouvoir partager avec lui, leurs joies et leurs peines, lui poser des questions sur une matière qu’ils n’ont pas compris à l’école ou dans la vie… Cela me rappelle un poème que mon fils m’a donné, à l’occasion de la « Fête des pères », il y a des années et qui est toujours pendu au mur devant moi, au bureau : «Il fait si doux quand ton sourire éclaire tout sous notre toit. Je me sens si fort, je me sens roi, quand je marche à côté de toi».
Après être rentré de Suisse, j’ai envoyé à cette personne qui m’avait véhiculé, un Email dans lequel je lui disais : «Mais, comme tu en es certainement conscient, nous DEVONS pardonner nos pères pour ce manque d’amour, ce manque d’intérêt pour nous les enfants… Je l’ai fait avant que mon père ne meure et je le lui ai dit. Je dois aussi te dire que nous devons nous surveiller (toi et moi) car il est prouvé que ce qu’un enfant a vécu, il va avoir tendance à le répéter avec ses propres enfants… »
Je crois que malheureusement, étant donné que le nombre de divorces ne cesse d’augmenter (même parmi les chrétiens…) et que les enfant se retrouvent «déchirés» ou «ballotés» entre les parents… et que d’autre part, il y a des plus en plus de «mères célibataires», nous devons nous attendre à ce que de plus en plus de jeunes doivent faire face à ce genre de «crise d’identité» accentuée par le manque de père et de repère… Je lisais dans le journal hier qu’aux USA, un enfant sur dix prend de la drogue (Hashish, cocaïne, amphétamines, etc) Là aussi, on voit que la société va mal… Et que dès le plus jeune âge, les enfants cherchent un moyen de fuir la réalité de ce monde.
Dans Le Figaro du 17 septembre 2012, le psychologue Didier Pleux parle, lui aussi, de l’égocentrisme qui caractérise/afflige notre société et il affirme que : «À l’époque de Freud, l’individu souffrait parce qu’il y avait trop «d’autres» en lui (normes familiales, sociales, etc.). Aujourd’hui, il y a «trop de moi et pas assez d’autres» dans ces personnalités sociopathes». Et quelques jours plus tard (le 28/09/2012), c’est le magazine Le Vif/L’Express, qui publiait un article au titre révélateur : «Je méprise, donc je suis» … Et dans lequel on lit notamment : «Cette quête inlassable du bonheur, via une consommation exacerbée, n’a surtout réussi qu’à détendre, peu à peu, le lien social. Résultat : égoïsmes et individualismes pullulent… Les enfants rois ont engendré des ados rois, mués en adultes rois… Autrement dit, l’être humain respectueux d’autrui, civil et sociable, s’oblige à ne pas gêner, à ne pas déranger, ni empiéter sur la liberté des autres. «Or l’homme s’empêche de moins en moins, affirme Pleux»… Si nous naissons tous égoïstes, il nous appartient d’humaniser nos existences».
En tant que chrétiens, nous sommes appelés à être «différents», à être la «lumière du monde»… Mais qu’en est-il réellement ? Est-ce que notre comportement atteste que notre première préoccupation dans la vie, c’est – et ce sera toujours – «d’aimer notre Dieu de tout notre cœur, et notre prochain comme nous-mêmes» ? Ou laissons-nous plutôt cet esprit d’égoïsme et d’individualisme envahir nos églises et nos vies ? Celui-ci se manifeste, comme je le disais plus haut, par la recherche constante de ma/mes bénédiction(s), de mon bien-être, mais aussi par ce désir de mettre en valeur mes talents, mon église, ma dénomination.
Juste le contraire de cette exhortation de Paul (I Cor. 10 :24) : «Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui». Tout un programme… et un défi dans ce monde où, comme le dit Paul : «dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes…» Serons-nous différents ?